Abstract:
Quelle problématique mieux que celle du code-switching (désormais
CS), phénomène multidimensionnel par excellence, peutelle
nous renseigner sur l’évolution des pratiques plurilingues
au Maghreb durant les 50 dernières années ? Telle est la question
qui constitue le fil conducteur de ce texte et sous-tend l’argumentaire
qui suit.
Depuis les premiers travaux des années 60, la réflexion théorique
sur le CS arabe-français dans les trois pays du Maghreb, Algérie,
Maroc et Tunisie, n’a cessé d’évoluer. Le CS est passé du statut
de phénomène « marginal » et de « mixture d’un goût douteux »,
selon l’expression de Maurice Riguet (1984 : 333) à un objet propre
de la recherche : Abassi (1977) ; Bentahila et Davies (1983) ;
Jamoussi (1984) ; Laroussi (1991) ; Lahlou (1991) ; Ziamari
(2003) ; Ben Mustapha (2009), etc.
L’étude du CS est passée peu à peu d’une approche concevant
les pratiques plurilingues comme des opérations exclusivement
linguistiques, reposant sur une « bonne » ou « mauvaise » maîtrise
du code linguistique correspondant, à une démarche soucieuse
de les insérer dans une dynamique discursive où se joue
et se rejoue constamment la place du sujet-parlant dans l’interaction
verbale. Les pratiques plurilingues relèvent d’un processus
complexe, largement dépendant des forces sociales en
oeuvre. Il en ressort que les questions « qui parle à qui ? », « qui
opte pour quel choix linguistique ? » et « qui alterne quelle
langue ? » sont constamment transcendées par d’autres telles
que « qui est qui ? » et « qui a quel statut social ? »